Life of Brian
There's no Messiah in here. There's a mess all right, but no Messiah.
Like the stars chase the sun
Over the glowing hill, I will conquer
Blood is running deep
Some things never sleep
Over the glowing hill, I will conquer
Blood is running deep
Some things never sleep
Du Aerosmith à fond dans ses écouteurs, Zelda marche vers la sortie de l'immeuble. Derrière elle, la moquette du couloir s'imbibe du sang de la femme qu'elle vient d'exécuter d'une balle entre les deux yeux. De l'ordure qui a eu le malheur de croiser sa route, trois jours auparavant. Zelda a immédiatement compris, en voyant la cinquantenaire et ses boucles parfaites, ses ongles impeccablement vernis, qu'elle devrait se débarrasser d'elle. L'Univers a organisé leur rencontre. Alors sa Nettoyeuse a fait son travail. Elle l'a d'abord suivie, a pris des photos d'elle avec son amant : un pauvre adolescent en pleine crise d'identité. Elle les lui a envoyées, a demandé dix milles dollars en cash contre leur destruction. L'ordure ne pouvait pas se permettre de voir ces photos circuler dans les mains de son mari, de ses enfants, de ses collègues de travail. Alors elle a retiré les dix mille dollars demandés, et les lui a amenés ici, dans ce couloir d'immeuble chic du centre de Las Vegas. Zeld' a récupéré le fric, a sorti son Beretta, a tiré. Elle n'a pas hésité, ses mains n'ont pas tremblé. C'est à peine si le rythme de son cœur s'est accéléré.
Flingue et cash rangés dans son sac, elle s'éloigne du corps qu'elle a laissé sans vie. Elle s'arrête dans un restaurant japonais à quelques rues de là. Elle n'a jamais compris l'intérêt de ces trucs, préférant de loin les choses simples et grasses comme les burgers, frites et autres pizzas, mais elle sait que ça fera plaisir à Hermia. Si un sourire éclaire le visage de sa compagne d'infortune, alors le cœur de Zelda sera plus léger pendant quelques heures. Elle entend le rire d'Hilda résonner au milieu de Love In An Elevator. Hermia plairait vraiment à Hilda, Zelda en est certaine. Son cerveau décroche sur le chemin du Mermaid. Elle a cette capacité de faire le vide dans son esprit que bien d'autres lui envieraient. Elle est calme et confiante, elle attend que l'Univers la guide.
Dans le parking du motel, un chat s'approche d'elle en miaulant. Elle s'accroupit. « Ooooh, bébé chat ! » Elle caresse son pelage noir, envisage de le kidnapper et de l'embarquer dans sa chambre. Pas sûr que Hermia en soit très heureuse. Alors elle sort de son sac un sashimi au thon, et le donne au chat qui se lèche les babines. « Régale toi, bébé chat. Je vais amener le reste à la jolie fille qui m'attend. Souhaite moi bonne chance ! » Elle se relève et avance, le pas léger, vers leur chambre, à Hermia et elle. Elle sait bien que la douce en pince pour ce connard que Zeld' a croisé dans un café, mais elle reste optimiste. Si l'Univers a provoqué leur rencontre, ce jour où elle a failli la renverser en voiture, c'est qu'il avait de bonnes raisons. Sur le pas de la porte, elle aperçoit dans le couloir un nouvel arrivant du motel. Les tâches sur sa veste en cuir, le regard inquiet qu'il jette à son téléphone quand il vibre entre ses mains. Elle a trouvé sa prochaine cible.
The Holy Grail
Strange women lying in ponds distributing swords is no basis for a system of government.
Pile ou face ?
Peu importe, de toute manière cela tombera toujours du côté qu'elle a choisi.
Quel est votre signe astrologique ?
Scorpion ascendant Bélier. Avec sa lune en Lion, et Vénus en Scorpion, Zelda est plutôt mal partie dans la vie.
Plutôt Parti Républicain ou Démocrate ?
Tous les politiques méritent de crever, non ?
Pensez- vous que le hasard, c'est Dieu qui se promène incognito ?
Il n'y a pas de hasard, l'Univers a tout prévu, à commencer par les cibles au bout du flingue de sa nettoyeuse.
Croyez-vous aux soucoupes volantes, aux projections astrales, à la télépathie, aux pouvoirs parapsychiques, à la voyance, à la chasse aux fantômes, à la télékinésie, à la transe médiumnique, au monstre du Loch Ness et à la théorie de l'Atlantide ?Zelda en doute, mais il y a sûrement de bonnes raisons pour que des gens y croient.
Ah et j'oubliais : la réincarnation, ça vous parle ? Êtes-vous persuadé(e) d'avoir été un philosophe barbu et barbant dans une vie antérieure ?
Elle est très heureuse d'avoir oublié, si c'était le cas.
The Meaning of Life
Well, that's the end of the film. Now, here's the meaning of life.
Mother, make me
Make me a bird of prey
So I can rise above this, let it fall away
Make me a bird of prey
So I can rise above this, let it fall away
Zelda est née dans la crasse, dans la galère. Sa mère ? Malade chronique, accro aux anti-douleurs qui lui permettent de mener une vie convenable... Si on peut appeler ses terreurs nocturnes, ses hallucinations et ses sautes d'humeur terribles une vie convenable. Son père ? Prétendument au travail 18h sur 24. Ok, il se tue à la tâche pour que ses cinq gosses aient de quoi manger, mais il évite clairement la maison pour ne pas subir l'humeur et la souffrance de sa femme. Zeld' l'entend se cogner dans les meubles quand il rentre, puant la crasse et l'alcool. Et puis, il y a sa fratrie. Les deux connards qui lui servent d'aînés, ces putain de jumeaux qui lui pourrissent la vie et n'en branlent pas une pour leur famille. Ils préfèrent sortir plutôt que bosser, ramener des nanas plus niaises les unes que les autres plutôt que de s'occuper des deux plus jeunes et de leur mère qui est incapable de se gérer seule. Alors Zelda s'occupe de tout, même si elle n'est qu'une enfant, elle n'a pas le choix. Elle prend soin de Neva, même si elle est profondément jalouse de l'attention que leur père accorde à la petite et pas à elle. Et puis, elle prend soin de Michael, le seul soleil de sa vie.
You're a real man, and you do what you can
You only take as much as you can grab with two hands
You only take as much as you can grab with two hands
L'adolescence pointe le bout de son nez, et Zelda commence à craquer. Elle ne supporte plus la pression sur ses épaules. Elle sort de classe en hurlant dès qu'un prof lui fait une remarque, épuisée par sa famille, par sa vie, par Beattyville. Ses deux connards de frères ne foutent rien, alors elle leur hurle dessus. Elle leur dit leurs quatre vérités, l'un d'eux essaye de la frapper, elle lui envoie son genou dans les parties avant de claquer la porte de la maison. Sa mère l'appelle en pleurant, la supplie de revenir. Alors elle revient. Son père se ramène un soir de plus imbibé d'alcool, il essaye de rejoindre Neva, voir sa petite perle, sa poupée. Zeld' lui barre le passage, refuse que sa petit sœur voit leur père dans cet état. L'alcool lui monte au nez, il tente de la frapper, elle l'envoie valser contre un meuble. Le bruit réveille la maisonnée, sa mère arrive, prise d'une énième hallucination. Elle crie sur sa fille, l'accuse de toujours foutre le bordel chez eux, d'être la cause de tous leurs problèmes. Zelda disparaît pendant deux jours. Michael l'appelle, car on s'en prend à lui à l'école. Elle vient casser la gueule du pauvre con qui a osé toucher à son frère. Il lui demande de revenir à la maison, alors elle revient. Une boucle sans fin de violence, de départs en trombe, de retours. La vie est un enfer qu'elle ne supporte que pour Micha.
Tell me what you need, oh, you look so free
The way you use your body, baby, come on and work it for me
The way you use your body, baby, come on and work it for me
Quand elle claque la porte du lycée, quand elle traîne dehors pour éviter de rentrer chez elle, Zelda s'échappe avec des inconnus, s'évade loin de la vie réelle. Elle fume comme un pompier, boit autant que son père, teste les drogues qu'elle peut se permettre de payer avec ses maigres finances, majoritairement du fric gagné en réalisant des paris avec ses compagnons d'infortune. Et puis elle la rencontre. Le coup de foudre, son âme sœur, la femme de sa vie. Zelda, qui n'a jamais été écoutée, jamais été soutenue, trouve en Hilda tout ce qu'elle aurait pu espérer de quelqu'un. Et puis son corps, ses lèvres, son sourire... Tout son être réclame la magnifique Hilda, qui tombe dans ses bras en un claquement de doigt. Plus belle qu'un film hollywoodien, leur histoire s'écrit avec un grand H, et leur amour avec un grand A. Elles se promettent la lune et les étoiles, elles se jurent fidélité jusqu'à ce que la mort les sépare. Elles passent des nuits entières allongées dans les champs ou sur les toits de la ville, découvrent la passion en même temps que leurs corps respectifs, se lancent le défi de baiser dans tous les lieux publics possibles et imaginables. Elles vivent un rêve éveillé qui ferait presque oublier à Zeld' ce qui l'attend quand elle rentre chez elle.
I'm gonna be released from behind these lines
And I don't care whether I live or die
And I don't care whether I live or die
« Tu trouves un boulot pour aider la famille ou tu te casses ». La phrase de trop, prononcé par un père sobre, lors d'un de leurs rares repas en famille. Les deux connards ricanent, eux qui se sont planqués dans des tafs où ils peuvent passer leurs journées à jouer à des jeux vidéo, eux qui utilisent le fric qu'ils gagnent pour se payer des choses superflues, et jamais pour aider leurs parents. Sa mère reste muette quand elle lui hurle de dire quelque chose. Son père reste résigné quand elle lui hurle qu'il doit ouvrir ses putains d'yeux car elle est la seule qui fait quoi que ce soit pour cette foutue famille. Elle a 17 ans, et elle en a ras le cul. Alors elle monte dans sa chambre, fourre tout ce qui lui passe sous la main dans son sac, et elle se casse. Définitivement, cette fois. Sans dire au revoir à qui que ce soit, à part Michael qu'elle rejoint le lendemain à la sortie du collège. Elle aperçoit Neva, leurs regards se croisent, Zelda tourne les talons. Ce jour là, elle renie sa famille, renie ses parents. Elle garde son nom, comme une cicatrice de sa vie passée, comme une pensée pour ce petit frère à qui elle ne cessera pas d'envoyer des nouvelles, mais se jure de ne plus jamais dire « papa » ou « maman ». Randy et Linda Vaughn n'ont de toute façon jamais été des parents pour elle.
Want me to love you in moderation
Do I look moderate to you?
Do I look moderate to you?
Avec Hilda, c'est à la vie et à la mort, elles se le sont promis. Alors quand Zelda part de Beattyville, Hilda plaque tout pour partir avec elle. Il faut dire que dans cette ville de morts, personne n'a grand chose à perdre, pourvu d'être suffisamment lucide pour s'en rendre compte. Alors elles partent sur les routes, errent, galèrent. Elles enchaînent des boulots de merde, dorment dans des motels miteux, se retrouvent à plusieurs reprises dans des histoires pas nettes. Mais elles s'en sortent toujours, d'une manière ou d'une autre. Elles se disent que c'est grâce à leur amour, lui qui est plus fort que tout. Elles sont niaises, niaises à en vomir, et petit à petit elles s'en rendent compte, mais elles en rient, se disent que la niaiserie importe peu quand on s'éclate autant au lit. Pour pimenter leur couple, elles se lancent des défis toujours un peu plus farfelus, toujours un peu plus dangereux. Zelda a failli finir en taule après avoir piqué les menottes d'un flic pour se laisser menotter par Hilda à leur lit. « C'est plus amusant que d'en acheter dans un sex shop, Zeld' », la belle a dit, alors Zelda s'est exécutée, et s'en est suivie une nuit de baise torride, que même le voisin de motel énervé par les cris n'a pas pu gâcher.
I don't want your money
I don't want your crown
See I've come to burn your kingdom down
I don't want your crown
See I've come to burn your kingdom down
Nouveau défi, nouveau stade de danger. Elles enfilent les masques de Marilyn Monroe et Joséphine Baker, trouvés dans une petite boutique de déguisements au précédent Halloween, et pénètrent dans une petite station essence, entre Denver et Castle Rock, armées d'un flingue échangé à un camé contre quelques barrettes de drogue. Elles ressortent avec la caisse du pauvre vendeur qui s'est pissé dessus quand Zelda lui a foutu le canon contre la tempe. Elles exultent, rient à gorge déployée tandis qu'elles prennent le volant pour partir loin de là. Elles s'arrêtent en pleine route, et écoulent l'adrénaline encore présente dans leurs veines par un orgasme partagé au milieu de leurs billets volés. Elles ne peuvent pas s'arrêter là, elles ont besoin de sentir encore et encore ce moment d'exaltation, alors elles enchaînent les braquages, alternant stations services, commerces, banques, et même une fois une armurerie, où Hilda récupère le Beretta 92 FS chromé, qu'elle offrira à Zelda pour célébrer son 21ème anniversaire. Les « The Lucky Sisters » sont intouchables, et aucun policier ne saurait rivaliser avec elles.
I'm in the grip of a hurricane
I'm gonna blow myself away
I'm gonna blow myself away
Zelda se savait forte, elle se découvre invincible. Jamais malade, jamais blessée, jamais en danger. Elle passe entre les balles qu'on lui tire dessus, elle gagne tous les défis qu'elle lance à la roulette russe. Improbable, impossible, mais vrai. Hilda appelle ça son « super-pouvoir », elle en rit. Mais elles se sentent pousser des ailes, tentent des braquages de plus en plus risqués. 198. C'est le nombre de braquages qu'elles auront fait ensemble. 198. Avant la catastrophe. Avant la fois de trop. Avant... Le cœur de Zelda se déchire en voyant tomber au sol le corps sa partenaire, son amie, son âme-sœur, son tout. Elle se précipite vers elle, presse sa blessure, lui dit de tenir bon. On continue à leur tirer dessus. Elle hurle pour qu'on appelle une ambulance. Elle entend la voix d'Hilda, alors que ses lèvres ne bougent plus. « Pars... Pars avant qu'on t'attrape. On n'a pas fait tout ça pour rien, Zeld'. Putain bouge toi. Bouge ton cul, sors de là ! Sors de là avant qu'ils te choppent bordel ! Putain Zeld', je t'aime, je veux pas être morte pour rien ! » Alors Zelda part. Les larmes ravagent son visage quand elle jette un dernier regard sur le corps d'Hilda, entouré d'une mare de sang.
Through the crowd, I was crying out
And in your place there were a thousand other faces
And in your place there were a thousand other faces
Elle erre, sans but et sans vie. Elle envisage d'arracher le cœur de sa poitrine, ce cœur si douloureux d'avoir perdu sa moitié, avec ses mains qu'elle a frottées, frottées, et frottées encore, pour effacer le sang d'Hilda, sa culpabilité de l'avoir entraînée dans tout ça, la culpabilité du survivant. Quand une voiture s'arrête, elle ne comprend d'abord pas, perdue dans ses pensées, dans ses peines. Le gars prend pitié de ses yeux rouges cernés de khôl, il lui dit de grimper, qu'il la déposera à la prochaine ville. Alors elle grimpe, sans réfléchir, et elle s'endort alors qu'il lui parle de lui et de sa vie. Quand elle se réveille, la voiture est immobile, et elle s'attend à voir Hilda au volant, un grand sourire aux lèvres, à l'entendre lui dire qu'elles peuvent prendre une pause pour retirer ce jean qui enserre ses jolies jambes et ce qui se cache entre. Mais quand elle ouvre les yeux, ce n'est pas Hilda. Ses mains qui parcourent son corps, ce ne sont pas les siennes. Elle le repousse, lui hurle d'aller se faire foutre, mais il ne s'arrête pas, il sourit, cruel, excité par sa manière de se défendre. Alors elle attrape son Beretta dans l'ouverture de son sac, et elle lui fait exploser le crâne. De nouveau couvert de sang, elle sort de la voiture et reprend son chemin à pieds.
I took a knife and cut out her eye
I took it home and watched it wither and die
I took it home and watched it wither and die
Les yeux rivés sur le plafond de sa chambre de motel, Zelda se sent vide. Elle n'a plus rien ni personne. Elle a tenté de se vider le chargeur de son flingue dans le crâne, mais rien n'y fait. L'Univers la veut vivante. Alors elle attend, sans manger, sans boire. Elle attend que la mort vienne. Et c'est bien ce qu'il arrive quand trois jours plus tard elle entend la télé de son voisin de chambre crier le nom de son agresseur. Elle se redresse piteusement et allume sa propre télé. Elle voit son visage, ce visage qu'elle a fait exploser d'une balle tirée à bout portant. « Recherché par la police depuis plusieurs mois pour pas moins de 23 affaires de viol ». Une douche et un repas plus tard, elle achète un laptop à la boutique du coin, et se lance dans de longues et éprouvantes recherches sur les victimes de leurs 198 braquages réalisés ces quatre dernières années. Et ce qu'elle découvre ne l'étonne pas, cela confirme son intuition : aucun innocent n'est mort de sa main, seulement des ordures. La mort est bel et bien venue la chercher, pour en faire son agent. La main guidée par l'Univers, elle nettoiera la société de tous ces déchets.
Tu as réussi à capter exactement l'essence de Zelda et de son histoire. Bravo. Bravissimo. Bien sûr, mention spéciale pour FATM 
On s'incline bien bas et on a hâte de voir la souiiite, surtout avec Neva(da) 